Outils pour utilisateurs

Outils du site


collectifs:education:coord-mat-univ:desobeissance_d_un_fonctionnaire

Un fonctionnaire a, encore, le droit de désobéir

L’article 28 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit cette possibilité dans le cas suivant : « Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ».

Un certain nombre de choses qui sont demandées aux enseignants actuellement entre dans ce cadre :

1/ Il est possible de ne pas se conformer aux instructions qui instituent des différences dans l’égalité de traitement des enfants (aide personnalisée et stages dits de remise à niveau) par le service public de l’éducation nationale, qui implique des horaires différents pour certains enfants :

D’une part, ces dispositions sont contraires à celles de notre Constitution (égalité devant la loi de tous les citoyens (article 1er), à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (articles 1er et 6), au préambule de la Constitution de 1946 (égal accès de l’enfant à l’instruction)

D’autre part, elles sont de nature à compromettre gravement l’intérêt public que constitue justement l’éducation des élèves les plus en difficulté puisqu’elles ont comme corollaire : la suppression des milliers de postes d’enseignants spécialisés pour ce travail pendant le temps commun scolaire ; l’augmentation pour ces enfants du temps scolaire dans la journée et des vacances réduites ; le travail d’enseignants en heures supplémentaires défiscalisées conduisant à une augmentation du chômage, à la dégradation des conditions de travail, et contribuant au démantèlement de la protection sociale

2/ Il est possible, pour les mêmes raisons (égalité de l’accès à l’instruction) et pour le respect d’une des valeurs de la République, la fraternité (article 2 de la Constitution de 1958), de ne pas se conformer aux instructions sur la transmission des résultats des évaluations nationales CE1 et CM2 si elles sont rendues publiques et utilisées aux fins de classement des écoles. En effet les valeurs de la République s’inscrivent dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (article 1), dans le préambule de la constitution de 1946 (article 13) et dans le Code de l’Education (article L111-1) qui précise que « le service public contribue à l’égalité des chances », que « la mission première de l’école » est « de faire partager aux élèves les valeurs de la République. », ajoutant que « dans l’exercice de leurs fonctions, les personnels mettent en œuvre ces valeurs ». Or, la publication de résultats combinée à la suppression de la carte scolaire aurait pour conséquence, entre autres, la mise en concurrence des élèves, des parents, des enseignants, des écoles : le renforcement subséquent des inégalités entre les écoles et entre les élèves irait à l’encontre d’un droit égal à l’éducation.

3/ Il est possible de ne pas se conformer aux instructions sur les programmes en contradiction avec les principes fondateurs de notre République (préambule de la Constitution de 1946) comme par exemple la laïcité (article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958) qui est en cause dans la suppression des programmes de la notion fondamentale d’évolution des êtres vivants remplacée par une vague « interprétation de ressemblances et différences en termes de parenté » qui peut autoriser, par exemple, l’enseignement d’une interprétation religieuse (créationnisme) comme une des hypothèses admissibles.

4/ Il est possible de se pas se conformer aux instructions qui ont pour conséquence de limiter le droit de grève : D’une part, la disposition imposant la déclaration préalable d’intention de grève 48h à l’avance est contraire au principe général du droit de grève (préambule de la Constitution du 27/10/46, article 10 de la loi du 13 juillet 1983), au principe de la liberté d’opinion (article 6 de la loi du 13/07/83) à la pratique et à la jurisprudence qui après la seconde guerre mondiale, et afin de tenir compte de l’utilisation faite par la milice et les autorités d’occupation d’alors des listes de grévistes aux fins d’envoi au STO ou dans les camps, avait conduit à ne pas permettre la constitution de ces listes (interdiction par exemple d’afficher le nom des grévistes aux portes des établissements scolaires et, encore aujourd’hui dans les écoles, envoi d’imprimés après la grève qui ne sont remplis que par les non grévistes) ; c’est cette préoccupation de limitation minimale du droit de grève qui interdit également (article 18 de la loi du 13/07/83) de faire état dans le dossier du fonctionnaire des opinions, activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques ; c’est cette préoccupation qui interdit la prise en compte de l’exercice du droit de grève (article L.1132-2 du Code du travail) ou des opinions (article 6 de la loi du 13/07/83) pour prendre des sanctions (en l’occurrence ce serait le cas puisque l’absence de déclaration préalable ne cause aucun préjudice et n’est d’aucune utilité : les parents sont toujours avertis par les enseignants et les mairies, pour celles qui acceptent les nouvelles règles, n’ont pas besoin de connaître les noms des éventuels grévistes, mais leur nombre) D’autre part, elles sont de nature à compromettre gravement l’intérêt public que constitue le droit de grève pour les personnes concernées (des personnes ont déjà renoncé à exercer leur droit de grève par crainte de répercussions immédiates ou dans le futur) mais également pour les personnes contraintes de remplacer les grévistes (ce qu’interdisent expressément les articles L.1242-6 et L.1251-10 du Code du travail)

5/ Il est possible de ne pas se conformer aux recommandations au niveau national et aux instructions au niveau académique qui sont contraires aux dispositions de la loi (et à son application depuis 25 ans) et ont pour conséquence de supprimer de fait le droit à l’information syndicale sur le temps de travail :

D’une part, l’article 5 du décret 82-447 du 28 mai 1982 relatif aux droits syndicaux dans la fonction publique prévoit expressément que les heures d’information se tiennent « pendant les heures de service » et que chacun des membres du personnel a le droit de participer, « à son choix », à l’une de ces réunions d’information. Ce droit à une information syndicale sur le temps de travail est similaire à ce qui est prévu dans le secteur privé (articles L.3142-7 à L.3142-15 du Code du travail). Et si l’article 7 du même décret susvisé stipule que les réunions ne doivent pas « porter atteinte au bon fonctionnement du service ou entraîner une réduction du temps d’ouverture de ce service aux usagers », il précise qu’ « en conséquence », « les demandes d’organisation de telles réunions doivent être formulées au moins une semaine avant la date de la réunion ». Le sens de cette formule est d’ailleurs précisée par la circulaire Fonction Publique du 18 novembre 1982 qui explique que « La concertation entre l’administration et les organisations syndicales doit permettre de définir les conditions dans lesquelles ces organisations pourront mettre en œuvre leur droit à tenir des réunions sans que le fonctionnement du service soit gravement perturbé et que la durée d’ouverture de ce service aux usagers soit réduite. ». En clair, aucune interdiction mais une concertation pour limiter les perturbations de service.

D’autre part, n’accorder que des autorisations pendant le temps consacré aux animations pédagogiques ou aux concertations avec les parents aurait deux conséquences : supprimer des obligations de service et interdire de fait les réunions d’information car les animations et concertations en question sont différentes, école par école, et ne permettent donc pas aux intéressés le libre choix de participer à des réunions dont la date retenue en écarterait dès lors la quasi-totalité.

collectifs/education/coord-mat-univ/desobeissance_d_un_fonctionnaire.txt · Dernière modification: 2011/03/04 16:22 (modification externe)