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Intervention du personnel devant le comité d’évaluation d’AERES du LSCE

(UMR CNRS-CEA-UVSQ, essentiellement composée de chercheurs et d’ITAs) Laboratoire des Sciences du Climat et l'Environnement (LSCE) est une unité mixte de recherche CEA-CNRS (UMR1572) créée en janvier 1998.

I) INTRO

Nous sommes nombreux au LSCE, chercheurs, enseignants-chercheurs (ECs) et ITAs, à trouver les réformes de l’enseignement supérieur et de la recherche engagées par le gouvernement extrêmement préoccupantes. C’est pourquoi nous avons demandé à la direction de pouvoir nous adresser à vous et vous résumer nos sujets d’inquiétude au début des trois jours que vous allez passer dans le laboratoire. Depuis des mois, le gouvernement proclame sa volonté de réformer le système de l’enseignement supérieur et de la recherche pour le hisser au meilleur niveau mondial mais les orientations retenues sont souvent en contradiction avec le but affiché. La gravité de la situation et la stérilité des discussions avec le ministère nous contraignent à des actions de protestation inhabituelles. Nous allons vous détailler en quoi nous pensons que ces mesures sont incohérentes et inquiétantes.

II) SUJETS D’INQUIETUDE

1) Mode de financement de la recherche

Un excès de financement de projets à court terme ou trop ciblés, aux dépens des dotations annuelles des laboratoires et des financements de projets libres (dits blancs) est contre-productif. Or dans la situation actuelle, la part réelle des dotations annuelles dans le budget des laboratoires diminue tandis que l’augmentation réelle des projets blancs est dérisoire par rapport aux standards internationaux.

Pourquoi une telle situation est-elle contre-productive ?

- Inefficacité du système de financement sur projets courts (3 ans), utilisation complètement inefficace de l’argent de l’état: nous passons notre temps à chercher des crédits et à évaluer les projets des autres au lieu de travailler vraiment ;

- Quel sens donner aux exercices de prospectives à 4 ans tels que nous venons de le faire dans le cadre de cette évaluation, quel sens donner à une politique scientifique dans un laboratoire si, dans les faits, les orientations réelles sont dictées par les projets qui sont financés ?

- 3ème raison, d’ordre fondamental : nous sommes convaincus du danger d’une vue à court terme négligeant la recherche fondamentale. Par exemple sur les thématiques climat, le danger est de construire un château de cartes fragile en finançant sur appels thématiques tout ce qui est adaptation, vulnérabilité, sans renforcer les connaissances de base sur la machine climatique. Citation d’A. Fert : « Ce que dit mon prix Nobel, c'est aussi que si la recherche est importante pour l'économie, elle commence par des travaux fondamentaux qu'il faut ensuite transférer de manière fluide vers les entreprises ».

2) Diminution du nombre de postes ouverts

Le système de financement sur projets va de pair avec une augmentation infernale du nombre d’emplois précaires dans les laboratoires. Cette situation est contre-productive :

- Système de nouveau totalement inefficace : - impossibilité de maintenir le suivi des recherches et travaux entamés par du personnel précaire, impossibilité de maintenir la qualité des mesures à long terme (ex : enregistrements climatiques),

- gaspillage humain : des jeunes brillants se retrouvent sans possibilités d’embauche, décident de quitter le domaine de la recherche et de l’enseignement supérieur ou de quitter la France ; le temps passé par les permanents du laboratoire à former des personnes qui quittent ensuite le laboratoire est perdu.

- Les réformes en cours sont par ailleurs totalement incohérentes quand, d’une part, le discours du ministère est qu’il souhaite renforcer le financement de la recherche et de l’enseignement supérieur, et qu’en pratique, il supprime par centaines les postes dans les universités et les organismes de recherche. Comment comprendre que les réductions d’effectifs touchent notamment les universités les mieux placées dans les classements ?

- Chaires d’excellence : exemple d’idée qui aurait pu être bonne mais qui a été détournée pour en réalité aboutir à une diminution du nombre de postes offerts : dans la configuration actuelle, chaque chaire, avec ses crédits de recherche budgétisés avec les salaires, coûte presque autant que deux postes d’enseignant-chercheur ou de chercheur : à budget constant, chaque chaire « consomme » donc deux postes ou presque et conduit ainsi à diminuer le nombre global de postes disponibles. Cette diminution des postes disponibles réduira le nombre global de brillants chercheurs recrutés et ira donc à l’encontre du but recherché : attirer ou retenir les meilleurs.

Résumé : La situation actuelle est désastreuse, les réformes en cours, si elles étaient menées à terme ne feraient que l’aggraver. A l’heure où l’économie en France a besoin d’investissements d’avenir aux dires mêmes du président de la République, la politique à courte vue de coupes claires sans discernement dans la recherche et l’enseignement supérieur est suicidaire.

3) Réorganisation de la structuration de la recherche

Nous sommes opposés à la conversion du CNRS en une agence de moyens ne couvrant plus toutes les disciplines. L’éclatement du CNRS sonnerait la fin d’une vision nationale pluridisciplinaire de la science française (qui était un atout de la France par rapport aux autres pays européens !)

A. Fert : « il faut absolument garder la capacité de coordination, d'élaboration d'une stratégie nationale du CNRS dont l'Agence nationale de la recherche (ANR) n'est pas dotée. »

4) Finalement, notre 4ème sujet d’inquiétude concerne le mode d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Un comité chargé de l’évaluation des universitaires et des chercheurs, tire sa légitimité de son indépendance à l’égard du pouvoir central (ministère) et des pouvoirs locaux (par ex. président et conseils d’université) ainsi que de sa composition, en étant un organe représentatif, comprenant toutes les catégories de personnels et un nombre suffisant d’élus pour garantir son indépendance. Ceci garantit une évaluation par des pairs compétents, ce qui est indispensable à toute évaluation impartiale et équitable. Ce principe est respecté dans tous les pays dotés d’universités et d’instituts de recherche performants, tout simplement parce que l’indépendance est indispensable à une recherche créative et à un enseignement de qualité.

III) CONCLUSIONS

Notre message au comité AERES :

Nous demandons :

- le retour à des commissions d'évaluation paritaires avec représentation des personnels y compris ITAs à travers des élus ;

- que les conclusions d’évaluation soient restituées au personnel du laboratoire dans la foulée de l’évaluation, dans un esprit de respect mutuel du travail des évaluateurs et du travail des personnels du laboratoire ;

- que les notes soient établies sur la base de critères transparents, et par le comité d’évaluation au même titre que le rapport d’évaluation, de manière à éviter des changements de règles ou des notations établies après coup de façon non consensuelle;

- que vous relayiez nos inquiétudes et nos demandes au niveau du ministère.

NB : De nombreux points de cette intervention sont issus du texte de B. Chaudret, d’A. Fert, Y. Laszlo, et D. Mazeaud. Une liste de signatures de soutien à ce texte sera recueillie auprès des personnels du laboratoire pendant les réunions du Comité et remise à son Président par le Conseil de Laboratoire.

collectifs/education/ppoum/texte_lsce.txt · Dernière modification: 2011/03/04 16:22 (modification externe)